La marque de mode en ligne Shein s’est imposée en quelques années comme un géant mondial de la fast-fashion. Son application addictive propose chaque jour des milliers de nouveaux vêtements tendance à des prix imbattables, séduisant une génération avide de nouveautés. Mais derrière les prix cassés et les » hauls » de vêtements plébiscités sur TikTok, se cachent des travers beaucoup moins reluisants. Impacts écologiques, conditions de travail scandaleuses et incitation à la surconsommation : le modèle de Shein fait l’objet de vives critiques.
La frénésie de production de la plateforme en ligne shein est sans précédent : on estime qu’elle ajoute plus de 7 000 nouvelles références par jour à son catalogue — soit davantage que la production annuelle d’une enseigne traditionnelle comme Zara. Une telle cadence entraîne une consommation de ressources démesurée et débouche sur des quantités astronomiques de déchets textiles. Quelques chiffres édifiants illustrent l’ampleur de ce modèle :
- 7 000+ : c’est le nombre de nouveaux produits ajoutés chaque jour sur le site — l’équivalent de la production annuelle d’un grand distributeur de mode.
- ~92 millions : le tonnage de déchets textiles jetés chaque année à l’échelle mondiale, alimenté par la prolifération de vêtements jetables.
- 75% : la part de matières synthétiques (dérivées du pétrole) utilisées dans les articles vendus par la marque, générant une pollution plastique durable.
- 16 millions : la quantité estimée de CO2 émise en 2023 par l’entreprise — soit l’empreinte carbone de plusieurs millions de voitures en un an.
Cette surproduction industrielle va de pair avec une culture de la surconsommation. Poussés par des prix défiant toute concurrence et un marketing féroce sur les réseaux sociaux, les clients commandent en masse des articles qu’ils ne porteront que quelques fois. Les vêtements, souvent de qualité médiocre, finissent rapidement au placard ou à la poubelle, nourrissant la spirale du gaspillage. La mode » jetable «, incarnée par Shein, a donc un coût environnemental colossal que la planète ne peut plus supporter.
L’autre face cachée du succès de Shein, ce sont les conditions de fabrication en coulisses. Des enquêtes ont révélé des cadences de travail infernales dans les usines de confection qui produisent pour la marque : jusqu’à 75 heures de travail par semaine, avec un jour de repos mensuel tout au plus, et des salaires de misère. Payés à la pièce, certains ouvriers ne touchent que quelques centimes par vêtement assemblé — moins de 5% du prix de vente final. Ces pratiques, documentées par l’ONG Public Eye, permettent à Shein de défier toute concurrence sur les prix au mépris de la dignité humaine. Parallèlement, des rapports soupçonnent l’entreprise de recourir au travail forcé de minorités ouïghoures dans sa chaîne d’approvisionnement, une accusation gravissime qui fait l’objet d’investigations internationales.
Comme si cela ne suffisait pas, des tests récents ont souligné les risques sanitaires liés à ces produits low-cost. En 2021, un rapport de Greenpeace a révélé que 15% des articles Shein analysés contenaient des substances chimiques dangereuses dépassant les normes européennes. Un manteau pour enfants vendu par la marque présentait par exemple une teneur en plomb presque 20 fois supérieure à la limite légale, ce qui a entraîné son rappel d’urgence au Canada. Ces substances toxiques exposent les consommateurs — en particulier les jeunes, cible privilégiée de Shein — à des risques pour la santé (perturbateurs endocriniens, métaux lourds, etc.). Les ouvriers des usines, qui manipulent au quotidien ces teintures et tissus traités, sont également en première ligne face à ces dangers invisibles.
Consciente de la mauvaise publicité, la société a tenté de redorer son image en communiquant sur quelques initiatives » durables » — lancement d’un programme de recyclage, promesses d’amélioration des conditions de travail, etc. Mais ces mesures restent marginales au regard de son modèle économique même, fondé sur le volume et les prix très bas. Par ailleurs, les pouvoirs publics commencent à réagir face à cette mode jetable débridée : en France, une proposition de loi vise à responsabiliser les plateformes ultra fast-fashion comme Shein en les obligeant à contribuer aux coûts de recyclage et à respecter davantage de transparence sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Au final, Shein est devenu le symbole des dérives de la fast-fashion à l’heure des réseaux sociaux et du commerce en ligne. Si son succès économique est incontestable, son énorme impact négatif sur la planète, les travailleurs et même les consommateurs ne peut plus être ignoré. Face à l’urgence climatique et aux scandales éthiques, il appartient tant aux consommateurs qu’aux législateurs de réagir : sans une prise de conscience collective, la mode ultra-rapide continuera de faire rimer » pas cher » avec » enfer «.